Je verrai toujours vos visages ?

En 2023, le grand public plébiscitait (plus d’un million d’entrée) le film de Jeanne Herry « Je verrai toujours vos visages » et, à travers lui, découvrait la justice restaurative, c’est-à-dire le processus par lequel la victime d’une infraction peut dialoguer avec l’auteur de cette infraction. Sans doute le succès du film est-il en parti dû à la curiosité d’un public mal informé sur la chose judiciaire en général – et sur la justice restaurative en particulier. Il faut dire que le concept est étranger à notre culture judiciaire, celle d’une justice rétributive axée uniquement sur le châtiment infligé à l’auteur des faits.

La justice restaurative est celle d’une autre voie, qui permet de faire dialoguer la victime et son agresseur, prenant ainsi mieux en compte la première et visant à ce que le second prenne conscience de la gravité de ses actes. Le tout dans un cadre moins formel que celui d’une juridiction pénale où le poids des enjeux n’est pas adapté à la franchise des échanges.

La déclaration de Louvain du 14 mai 1997, faite à l’occasion de la première conférence internationale sur la justice réparatrice pour les adolescents, traduit l’esprit de la justice restaurative : « La fonction principale de la réaction sociale à la criminalité n’est ni de punir ni de rééduquer, ni de traiter mais de promouvoir la réparation des torts causés par le délit. » Elle a fait ses preuves dans nombre de pays, notamment au Rwanda, où elle a été utilisée après le génocide des Tutsis, dans le cadre de la justice dite transitionnelle. En France, l’article 10-1 du code de procédure pénale, ainsi que la circulaire de 17 mars 2017 relative à la mise en place de la justice restaurative, en fixent les contours. Ainsi : « À l’occasion de toute procédure pénale et à tous les stades de la procédure, y compris lors de l’exécution de la peine, la victime et l’auteur d’une infraction, sous réserve que les faits aient été reconnus, peuvent se voir proposer une mesure de justice restaurative. […] Cette mesure ne peut intervenir qu’après que la victime et l’auteur de l’infraction ont reçu une information complète à son sujet et ont consenti expressément à y participer. Elle est mise en œuvre par un tiers indépendant formé à cet effet, sous le contrôle de l’autorité judiciaire ou, à la demande de celle-ci, de l’administration pénitentiaire. Elle est confidentielle, sauf accord contraire des parties et excepté les cas où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République. » Aucune infraction n’est visée par ce processus susceptible d’être mis en place à tous les stades de la procédure, dès l’instant où les faits sont reconnus par l’auteur, que la victime et lui sont informés et consentent à se rencontrer sous l’égide d’un tiers indépendant formé.

Pour toutes les infractions, vraiment ?

Bien qu’un auteur d’infractions terroristes ait manifesté le souhait d’échanger avec des victimes d’attentats et que certaines d’entre elles en soient d’accord, le Parquet national antiterroriste a publié un communiqué qui a de quoi décourager tout espoir de dialogue. Il annonce en effet la création d’un « comité de pilotage » qui sera seul juge de l’opportunité de la mesure et veillera à « définir les critères d’identification des condamnés terroristes éligibles à cette mesure, le rejet de la radicalité violente étant nécessairement un prérequis. » Tout un programme.

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