
L’article 441-1 du Code pénal définit le faux comme « toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice, et accomplie par quelque moyen que ce soit, dans un écrit ou tout autre support d’expression de la pensée, qui a pour objet ou peut avoir pour effet d’établir la preuve d’un droit ou d’un fait ayant des conséquences juridiques. » La falsification peut être matérielle ou intellectuelle. Dans le premier cas, le défaut d’authenticité touche l’écrit ou le support (fausse signature, ajout, montage, etc.). Dans le deuxième, il atteint le contenu même de l’écrit ou du support.
Le 28 avril 2012, Mediapart publie un article intitulé « Sarkozy-Kadhafi : la preuve du financement », accompagné d’une note en langue arabe (et sa traduction) signée de l’ancien chef des services de renseignements extérieurs de la Libye, Moussa Koussa. Selon ce document, après une réunion qui se serait tenue le 6 octobre 2006 et à laquelle aurait participé Brice Hortefeux, un accord de principe aurait été donné par la Libye au soutien financier de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy de 2007, pour un montant de 50 millions d’euros.
Évoquant cette note dans son jugement du 25 septembre 2025 qui a condamné Nicolas Sarkozy pour association de malfaiteurs, le Tribunal judiciaire de Paris a considéré « que le plus probable est que ce document soit un faux. » Pourtant, à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 12 juillet 2013 par Nicolas Sarkozy pour faux et usage de faux, recel de ces incriminations et publication de fausses nouvelles, une ordonnance de non-lieu fut rendue, confirmée par la Cour d’appel de Paris, le 20 novembre 2017, l’instruction n’ayant pas permis d’établir contre quiconque de charges suffisantes pour commission d’un faux.
Cet arrêt fut validé le 30 janvier 2019 par la Cour de cassation, qui considérait : « d’une part que tant les conclusions de l’expertise effectuée au sujet de la note arguée de faux qui militent en faveur d’un document physique ayant réellement existé, que les auditions des témoins, notamment d’anciens membres de l’ambassade de France en Libye, et les conclusions de l’expertise en écriture qui ont authentifié la signature de M. D. sur cette note, ne permettent pas de conclure que ce document est un faux matériel, d’autre part qu’à l’issue des investigations effectuées, notamment sur les emplois du temps des protagonistes, il n’est pas possible de conclure que la réunion du 6 octobre 2006, dont rien ne permet de connaître les modalités ni le lieu, n’a pu se tenir. »
Que comprendre de ces décisions ? Les juges se seraient-ils trompés par trois fois ?
Cette apparente contradiction résulte seulement du fait que les investigations sur l’éventuelle fausseté de la note publiée par Mediapart ont dû être limitées, une information judiciaire étant déjà ouverte concernant le financement par la Libye de la campagne de Nicolas Sarkozy. L’instruction a ainsi pu porter sur la matérialité du faux mais, s’agissant du contenu de la note, seule la tenue de la réunion du 6 octobre 2006 a pu faire l’objet d’investigations.
Ce sont donc les éléments recueillis dans l’information sur le financement par la Libye de la campagne présidentielle et au cours des débats qui ont conduit le tribunal a considérer qu’« aucun élément n’a permis de corroborer le contenu de la note » et a en déduire que « désormais », cette note était probablement fausse.
Ajoutons qu’une ordonnance de non-lieu n’est pas un jugement de relaxe. Elle ne tranche pas de manière définitive, une nouvelle information judiciaire pouvant toujours être ouverte (sous réserve de la prescription) si de nouvelles charges surviennent (articles 188 et 189 du Code de procédure pénale).
