Et la médaille de la Conférence des avocats du barreau de Paris est décernée à…

Le 28 novembre dernier, au théâtre du Châtelet, s’est tenue la rentrée solennelle du Barreau de Paris et de la Conférence, occasion pour le bâtonnier et la vice-bâtonnière de dénoncer les attaques contre les avocats et les menaces que Tracfin fait peser sur le secret professionnel. Occasion aussi, pour le garde des Sceaux, d’apaiser ces craintes et de se faire – bruyamment – applaudir grâce à quelques promesses qui, comme on le sait, n’engagent que ceux qui les reçoivent.

La fête était parfaite et l’on avait presque oublié le « dossier-coffre », dispositif créé par la loi n°2025-532 du 13 juin 2025 permettant que, dans certaines affaires de criminalité organisée, soit établi un « procès-verbal distinct » ne figurant pas dans le dossier pénal remis à la défense. Tout comme étaient bien oubliées les annonces du garde des Sceaux sur son projet de loi sure, ou encore ses déclarations du 6 janvier sur RTL, où, évoquant la lutte contre le narcotrafic, il avait imputé les retards d’audiencement à « certains » avocats : « Leur travail est de travailler non pas à l’innocence de leurs clients mais d’emboliser la chambre de l’instruction, d’emboliser le processus judiciaire, pour libérer de détention des personnes, car on sait qu’elles ne seront plus ou pas jugées. » Mais c’était compter sans l’impertinence bienvenue des secrétaires de la Conférence, qui ont clôturé la cérémonie de remise des prix en décernant leur médaille à Raphael Chiche, avocat au barreau de Paris, pénaliste reconnu et, surtout, l’un de ces « certains » avocats visés par le garde des Sceaux.

Rappelons que la Conférence, institution fondée en 1810, remplit une mission essentielle de défense pénale des justiciables les plus démunis. Chaque année, douze jeunes avocats, élus par leurs pairs à l’issue d’un concours d’éloquence, assument quotidiennement des permanences pour assurer des gardes à vue, plaider devant la chambre des comparutions immédiates, assister des prévenus devant les juges d’instruction ou des accusés devant la cour d’assises. Le rôle de la Conférence est de garantir, dans l’urgence, que la voix de la défense soit entendue, que les droits soient respectés, et que la présomption d’innocence ne soit pas seulement un principe mais une réalité concrète. Lors des comparutions immédiates, ces audiences, conçues pour juger rapidement les mis en cause présentés après une garde à vue, et qui concentrent une part importante de la justice pénale, la mission des secrétaires de la Conférence consiste à garantir que la procédure respecte les droits fondamentaux : accès au dossier, contrôle de la régularité de la garde à vue, examen des conditions d’interpellation ou encore appréciation de la nécessité d’un renvoi pour préparer la défense.

La procédure pénale est ainsi l’ossature de l’État de droit. Elle fixe les limites du pouvoir de punir, encadre l’enquête, et impose aux magistrats comme aux forces de l’ordre de respecter les droits de la défense. Lorsque ces exigences ne sont pas remplies, l’annulation d’un acte n’est pas un « obstacle » à la justice, mais la condition de sa légitimité. En honorant Raphael Chiche, « joyau que l’ensemble du monde judiciaire devrait chérir parce qu’il a à cœur de le faire progresser ou, plutôt, il a à cœur de l’empêcher de reculer », pour reprendre le propos de présentation de Florian Godest Le Gall, la Conférence n’a pas seulement fait un pied-de-nez espiègle au garde des Sceaux : elle a réaffirmé la valeur de la procédure pénale et rappelé que la défense n’était pas un contre-pouvoir hostile, mais un pouvoir nécessaire.

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