L’expulsion des étrangers… « dangereux »

L’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux par les services de renseignement revient comme une des rengaines sécuritaires les plus usées du gouvernement. Notre ministre de la Justice, Gérald Darmanin, promettait ainsi, au lendemain de l’attentat d’Arras, « l’identification partout sur le territoire national de ceux qui sont dangereux, le retrait systématique du titre de séjour pour ceux qui sont étrangers, et l’expulsion systématique de tout étranger ».

Conscient de l’intenable application juridique de son annonce, et préemptant le vote des parlementaires, il affirmait vouloir faire voter dans les prochains mois une nouvelle loi « immigration » visant à remédier à une « difficulté dans le droit ». Une difficulté de taille, puisque le Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile interdit formellement l’expulsion des mineurs étrangers (L. 631-4), et encadre l’expulsion des étrangers témoignant de la solidité de leurs attaches en France (L. 631-2 et -3). Rien de moins qu’une application de la jurisprudence constante de la Cour européenne des droits de l’homme, qui contrôle les violations par les États européens des atteintes au droit à la vie privée et familiale des ressortissants présents sur leur territoire.

Une autre difficulté se dessine : qui est susceptible d’être considéré comme « dangereux » par nos services de renseignement et de faire l’objet de ces charters d’expulsion systématique ? Potentiellement, n’importe quel étranger, en situation régulière ou non, puisque aucun critère formel n’existe concernant l’inscription d’une personne dans la partie du Fichier des Personnes Recherchées (FPR) intéressant la Sûreté de l’État (S). Dans de nombreux cas, les inscriptions s’inspirent des « notes blanches » de la DGSI, merveilles de notes de renseignement rédigées par des auteurs dont on ne peut obtenir l’identité, sur la base de témoignages de personnes tout aussi anonymes ou d’investigations qui échappent à toute possibilité de contradictoire.

Mais rassurons-nous, une procédure d’accès, de rectification et d’effacement des informations contenues dans ce fichier existe bel et bien. Elle est confiée à la CNIL, gendarme des données personnelles, qui « procède aux vérifications nécessaires » auprès de la DGSI, laquelle a tout loisir de ne lui communiquer aucune information… Le code de la sécurité intérieure permet alors de saisir le Conseil d’État afin qu’il contrôle le Fichier contesté, avec la possibilité d’ordonner un huis clos lorsqu’est en cause le secret de la défense nationale – soit dans un très large éventail de situations.

Le justiciable se retrouve alors dans l’impossibilité d’avoir accès aux informations communiquées par la DGSI au Conseil d’État, pas plus qu’aux conclusions du Rapporteur public qui présente l’affaire aux juges devant statuer sur son affaire, et se retrouve à plaider pour contrecarrer des éléments à charge que personne ne lui aura communiqués. Le Conseil d’État n’aura plus ensuite qu’à rendre une décision insusceptible de recours et que la loi ne l’oblige pas à motiver…

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