L’exécution provisoire en sursis ?

Nous pensions avoir dit l’essentiel sur le principe de l’exécution provisoire ici.

C’était compter sans  une actualité judiciaire aussi capricieuse que captivante : pas plus tard que la veille du délibéré rendu dans l’affaire dite du « financement libyen », la Cour de cassation a ainsi transmis une question prioritaire de constitutionnalité (ci-après QPC) dont les conséquences pourraient ruisseler sur les justiciables – dont Nicolas Sarkozy – qui ont vu leur condamnation en première instance assortie de l’exécution provisoire.

Le 24 septembre dernier, donc, la Cour de cassation, jugeait sérieuse la QPC suivante :

« Les dispositions de l’article 471 du code de procédure pénale qui permettent au juge pénal d’assortir les sanctions pénales prévues aux articles 131-4-1 à 131-11 et 132-25 à 132-70 du code pénal de l’exécution de la décision sans que la condamnation ne soit définitive, et sans avoir à motiver cette exécution provisoire, sont-elles contraires au principe de la présomption d’innocence, au principe de nécessité et de légalité des peines, au principe d’individualisation des peines et au principe d’égalité, consacrés par les articles 6, 7, 8, 9 et 16 de la Déclaration de 1789 ? »

Tout le débat sur le principe même de l’exécution provisoire et l’atteinte qu’elle porte, principalement à la présomption d’innocence, sera donc tranché en droit par le Conseil constitutionnel. Mais ça n’est pas tout. Comme le soulignent la QPC et la Cour de cassation, la loi actuelle n’oblige pas le juge à motiver le prononcé de l’exécution provisoire. C’est pourtant le cas pour une multitude de mesures, par exemple lorsqu’une juridiction condamne à une peine de réclusion criminelle assortie d’une période de sûreté qui va au-delà de l’article 132-23 du code pénal. À titre de comparaison encore, cette obligation de motiver pèse sur le tribunal qui condamne un élu à une peine d’inéligibilité. La sanction doit ainsi être appréciée au regard de la proportionnalité de « l’atteinte qu’elle est susceptible de porter à l’exercice d’un mandat en cours et à la préservation de la liberté de l’électeur », précise la chambre criminelle. Rien de tel lorsque est prononcée l’exécution provisoire d’une peine d’emprisonnement – dont on conviendra qu’elle est plus grave que la peine d’inéligibilité.

Qui peut le moins devrait pouvoir le plus ? C’est ce que pourrait décider le Conseil constitutionnel. Et disons-le sans ambages : ce serait une bonne chose. On comprendrait mal pourquoi le prononcé de l’exécution provisoire échapperait à une obligation de motivation qui se généralise par ailleurs. Si tant est que son principe soit validé par le Conseil constitutionnel, encore faut-il en effet que le justiciable sache pourquoi et sur quels critères sa condamnation (non définitive) devrait être exécutée dans l’attente d’un nouveau procès.

L’obligation de motivation, et c’est ce que retient la chambre criminelle, est d’abord un rempart contre l’arbitraire. Elle est aussi le gage d’une meilleure sécurité juridique, d’une plus grande visibilité de la loi, enfin d’une véritable individualisation de la peine. Autant de principes protégés par la Constitution. Et, on l’espère, par ceux qui en sont les gardiens.

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