Avocats anonymes vs Populisme pénal
En plus des menaces incessantes qui pèsent sur nos libertés individuelles et publiques, nous constatons avec impuissance combien, ces trois dernières décennies, les discours populistes ont gagné du terrain. Démagogie et slogans anxiogènes, étrangers pris pour cibles, inusable (et contre-productive) rengaine du tout-sécuritaire : le populisme pénal a faisandé l’ensemble de nos formations politiques. La justice et l’immigration sont devenus des outils électoraux d’autant plus efficaces que la fin n’en finit plus de justifier les moyens : absurdités, approximations, contre-vérités, manipulations des textes et des chiffres essaiment dans l’espace public sans être contredites, ou si peu. Le triomphe du populisme pénal procède d’une méthode qui a pour elle son incontestable simplicité : elle consiste à prendre en otage la raison et le droit en instrumentalisant la souffrance et l’émotion.
Nous sommes un collectif d’avocats de trois générations différentes, confrontés chaque jour à la déliquescence de l’État de droit et à ce que le populisme charrie de pire. Un collectif qu’alarment et effrayent les propositions ou projets de loi à l’emporte-pièce et les joutes verbales tapageuses. Plaider devant les juridictions pénales ou administratives, françaises ou internationales ne suffit plus : il est temps de décrypter, d’analyser, d’expliquer, d’apporter enfin une contradiction digne de ce nom. Ainsi, chaque lundi, il s’agira de mettre sur la sellette telle ou telle dérive populiste identifiée dans une actualité qui en regorge.
L’irruption massive des réseaux sociaux a conforté et démultiplié le goût pour la compétition des egos, la promotion de soi et les rivalités individuelles : « Qu’est-ce qui est dit ? » importe désormais moins que « Qui a dit ? ». Aussi faisons-nous le choix de demeurer anonymes, afin que l’analyse sur le fond ne soit pas brouillée ou parasitée par des considérations secondaires – et le plus souvent nuisibles ou pernicieuses. Nous ne souhaitons incarner que ce qui nous anime collectivement : la défense des libertés individuelles et publiques, et celle d’un État de droit qui, n’en déplaise à certains, doit rester « sacré ». Et puisqu’il nous fallait un hébergeur pour poser nos mots sur ce blog et les relayer sur les réseaux sociaux, nous remercions chaleureusement notre consœur Frédérique Pons, dont l’intégrité et la rigueur professionnelles nous obligent, d’avoir accepté d’être notre marraine.